La folie du « chocolat Dubaï » provoque une pénurie mondiale de pistaches

Chocolat Dubaï

Le « chocolat Dubaï » est une tablette de chocolat fourrée d’une généreuse crème pistache de couleur verte. Sa recette originale, créée en 2021 par une chocolatière installée à Dubaï, combine du chocolat au lait, de la pâte de pistache sucrée, du tahini (crème de sésame) et des cheveux d’ange, une pâte très fine utilisée dans certains desserts orientaux.

En croquant la barre ou en la cassant en deux, on découvre cette garniture onctueuse et abondante de pistache. C’est précisément cette forte teneur en pistaches – bien plus élevée que dans un chocolat classique – qui fait le succès du produit, mais qui exige aussi de grandes quantités de fruits secs pour sa fabrication.

Chocolat à la pistache

De TikTok à la pénurie : une tendance virale aux effets bien réels

La popularité de ce chocolat a explosé sur les réseaux sociaux à la fin de l’année 2023. Une première vidéo TikTok vantant les mérites de cette tablette a dépassé les 120 millions de vues. S’en est suivie une avalanche de contenus, notamment sur TikTok et Instagram, où les utilisateurs se filmaient en train de goûter le chocolat pistache, d’admirer sa texture, ou de tenter des recettes maison. En quelques semaines, ce produit est devenu un phénomène mondial. Les vidéos cumulent aujourd’hui des centaines de millions de vues et le hashtag associé ne cesse de grimper. Cette exposition massive a alimenté une demande exceptionnelle, bien au-delà du marché local.

Face à cet engouement, des imitations ont vu le jour. Des copies de la tablette, fabriquées dans d’autres pays, ont été mises en vente sur des plateformes comme Amazon ou eBay. Même des pâtisseries locales dans différents pays ont commencé à produire leur propre version. Par exemple, une pâtisserie canadienne a écoulé 250 chocolats pistache en moins de 24 heures après leur mise en rayon. Dès lors, une pénurie mondiale de pistaches a commencé à se profiler. Autrement dit, un produit devenu populaire en ligne a suffi à mettre en tension l’approvisionnement mondial d’un fruit sec très utilisé.


Un impact à l’échelle mondiale, des USA au Moyen-Orient

Au départ, ce sont les clients d’une boutique de Dubaï qui faisaient la queue pour acheter cette tablette originale, proposée uniquement sur place et pendant des plages horaires très limitées. Mais la demande a rapidement dépassé les frontières des Émirats. Dès l’automne 2024, plusieurs grandes marques de chocolat ont voulu suivre le mouvement. Des entreprises suisses comme Lindt ou Läderach ont lancé leur propre chocolat fourré à la pistache. Ces nouveaux produits, parfois surnommés « chocolats Dubaï », se sont retrouvés en rupture de stock quasiment immédiate dans de nombreux magasins.

Tablette Lindt Dubaï

Lindt, en particulier, a lancé une tablette vendue à un prix bien supérieur à ses gammes classiques. Dans certains pays européens, elle est vendue à près de 10 £ les 145 g. Malgré ce prix, les stocks se sont écoulés en quelques jours, forçant certains détaillants à limiter les achats par personne. En parallèle, les Émirats arabes unis ont augmenté leurs importations de pistaches de façon significative, en particulier en provenance d’Iran. Cette pression nouvelle a entraîné une hausse générale de la demande sur le marché mondial des pistaches.


Producteurs, distributeurs : toute la filière sous tension

  • Producteurs : La hausse soudaine de la demande a surpris de nombreux agriculteurs. Aux États-Unis, qui assurent près de 43 % de la production mondiale, la dernière récolte a été inférieure aux attentes, avec environ 25 % de baisse par rapport à l’année précédente. D’autres pays comme la Turquie et l’Iran, également gros producteurs, ne peuvent pas combler le manque à eux seuls. Certains exploitants commencent à planter de nouveaux arbres, mais les premiers résultats ne seront visibles qu’au bout de plusieurs années.
  • Distributeurs : Les entreprises qui transforment et commercialisent les fruits secs constatent une tension importante. Plusieurs acteurs du secteur déclarent que leurs entrepôts sont quasiment vides. Les chocolatiers achètent la plupart des pistaches disponibles pour suivre la tendance, au détriment d’autres clients. Certaines entreprises revoient leur politique de distribution ou modifient leurs recettes pour faire face aux ruptures.
  • Marchés des fruits secs : Les prix de gros ont fortement augmenté. En l’espace d’un an, le tarif moyen de la pistache a bondi d’environ 35 %, passant de 6,75 € à plus de 9 € la livre. Cette progression s’explique par l’effet conjugué d’une demande exceptionnelle et d’une offre limitée. Les professionnels du secteur notent que les pistaches de qualité industrielle, généralement utilisées dans la fabrication, sont désormais rares. Même les secteurs voisins comme la pâtisserie ou la fabrication de glaces sont impactés par ces difficultés d’approvisionnement.

Quand les réseaux sociaux bouleversent l’économie des gourmandises

Le phénomène du « chocolat Dubaï » montre à quel point une tendance numérique peut avoir des conséquences concrètes. Une simple vidéo virale a suffi à faire connaître un produit auparavant local, au point d’en faire une demande mondiale. Les réseaux sociaux ont amplifié la visibilité d’un chocolat spécifique jusqu’à créer un déséquilibre sur le marché des pistaches. Certaines marques, surprises par l’ampleur de l’engouement, ont dû adapter leur production dans l’urgence.

Ce succès soudain a provoqué des ruptures de stock, une flambée des prix, la naissance d’un marché parallèle de copies, et même des problèmes logistiques dans certaines chaînes de distribution. L’industrie agroalimentaire en tire une leçon : l’impact des réseaux sociaux sur les tendances de consommation ne peut plus être sous-estimé. En quelques semaines, un produit peut devenir si populaire qu’il affecte des filières entières, depuis l’agriculteur jusqu’au rayon du supermarché.

Indicateur clé Valeurs observées
Évolution du prix moyen de la pistache +35 % (6,75 € → 9,05 € par livre)
Baisse de la récolte américaine -25 % (par rapport à l’année précédente)
Hausse des importations d’un pays du Golfe +40 % (sur 6 mois)
Part de la production mondiale États-Unis 43 %, Turquie 33 %, Iran 17 %

À lire également

À propos de l’auteur

À la une

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous devez remplir ce champ
Vous devez remplir ce champ
Veuillez saisir une adresse e-mail valide.
Vous devez accepter les conditions pour continuer