La sauce Worcestershire (également appelée sauce anglaise) est un condiment fermenté d’origine anglaise, réputé pour son goût umami prononcé et ses arômes complexes. Mise au point au XIXe siècle à Worcester (Angleterre), cette sauce liquide de couleur brun foncé combine des notes salées, acidulées et sucrées. Elle est utilisée en petite quantité pour assaisonner et relever de nombreux plats, apportant une profondeur de goût très particulière.
Sommaire
Origines et histoire
La sauce Worcestershire tire son nom du comté de Worcestershire, en Angleterre, où elle a été inventée dans les années 1830. C’est à Worcester, la ville principale de ce comté, que deux chimistes-apothicaires britanniques, John Lea et William Perrins, mettent au point en 1837–1838 un condiment original. Selon un récit relayé à l’époque, un noble anglais de retour des Indes leur aurait suggéré la recette d’une sauce piquante goûtée en Asie, incitant les deux hommes à la reproduire. La véracité de cette histoire est incertaine (aucun « Lord » Sandys n’ayant réellement rapporté de recette des Indes), mais elle a contribué à alimenter le folklore entourant ce condiment fermenté.
Le concept d’une sauce à base de poisson fermenté n’était pas inédit : dans la Rome antique, un condiment appelé garum (à base d’anchois macérés dans la saumure) servait déjà à relever les plats. Lea et Perrins mélangent divers ingrédients exotiques (dont du poisson fermenté et un fruit tropical, le tamarin) à du vinaigre et des épices. Le premier mélange obtenu est si puissant qu’il est jugé immangeable et entreposé dans un tonneau au sous-sol de leur officine. Ce n’est qu’après un affinage d’environ 18 mois que la préparation, fermentée et adoucie, révèle tout son potentiel aromatique. En 1838, les premiers flacons de sauce « Worcestershire » sont commercialisés par la société Lea & Perrins.
Le succès est rapide en Grande-Bretagne victorienne : cette sauce anglaise atypique séduit par sa capacité à relever les plats de viande et les ragoûts. La recette exacte est longtemps restée confidentielle, alimentant le mystère autour de ce condiment. Le produit commence à être exporté outre-mer dès le milieu du XIXe siècle, notamment vers les États-Unis et les colonies de l’Empire britannique, ce qui contribue à sa notoriété. Dès 1876, le terme « Worcestershire sauce » tombe dans le domaine public, permettant à d’autres fabricants de proposer leurs propres versions. Néanmoins, la marque Lea & Perrins, à l’origine de la sauce, conserve son statut de référence historique et continue de produire la sauce Worcestershire selon la formule traditionnelle.
Ingrédients et fabrication
La sauce Worcestershire résulte d’une combinaison inhabituelle d’ingrédients provenant de différentes traditions culinaires. Sa recette classique comprend typiquement :
- du vinaigre de malt (à base d’orge) et du vinaigre d’alcool ;
- de la mélasse (sirop de sucre de canne) et du sucre ;
- du sel ;
- des anchois fermentés (petits poissons, source d’umami) ;
- du tamarin (fruit tropical acidulé) ;
- de l’oignon et de l’ail ;
- des épices (par exemple le clou de girofle, avec parfois une pointe de piment).
Tous ces ingrédients sont assemblés et mis à macérer dans du vinaigre, puis le mélange est laissé à fermenter et à mûrir pendant plusieurs mois. Traditionnellement, la sauce est vieillie dans des fûts en bois pendant une période pouvant aller jusqu’à un an ou plus. Ce long affinage favorise la fusion des arômes et les adoucit, atténuant l’âpreté initiale du vinaigre et du sel. Une fois la maturation jugée suffisante, le liquide est filtré puis mis en bouteille.
Il en résulte une sauce brune fluide, concentrée en composés aromatiques. À l’ouverture, son odeur révèle des notes vinaigrées et épicées avec une nuance de poisson. À noter qu’il existe de nos jours des variantes sans anchois (versions végétariennes ou véganes) afin de satisfaire les régimes qui excluent le poisson. Ces versions alternatives permettent d’apporter le même goût umami dans les préparations sans produit animal (par exemple pour relever des plats de légumes), tandis que la recette originale de Lea & Perrins conserve l’usage traditionnel d’anchois.
Goût et utilisations en cuisine
La sauce Worcestershire présente un profil de goût intensément corsé. Dès la première gorgée, on perçoit une forte salinité et une acidité marquée due au vinaigre et au tamarin, équilibrées par une légère douceur apportée par la mélasse. L’anchois fermenté ne confère pas un goût de poisson à proprement parler, mais il enrichit la sauce d’une profondeur umami (ce goût intense apporté par les glutamates naturels) qui exacerbe la sapidité des plats.
Des arrières-notes épicées de clou de girofle, d’oignon et d’ail complètent le tableau, donnant à l’ensemble un caractère corsé et complexe. À noter que malgré la présence éventuelle d’un soupçon de piment, la Worcestershire n’est pas une sauce « piquante » : son rôle est d’enrichir le goût d’un plat plutôt que de brûler le palais du convive.
Exhausteur de goût par excellence, la sauce Worcestershire est utilisée en petite quantité pour rehausser de nombreuses préparations culinaires. Quelques traits de cette sauce suffisent à transformer le goût d’un plat. Elle sert traditionnellement à assaisonner les viandes grillées (steaks, hamburgers) ou les rôtis, souvent en l’ajoutant sur la viande cuite ou dans les marinades avant cuisson.
Elle entre aussi dans la composition de sauces et de plats classiques : par exemple, quelques gouttes de Worcestershire sont l’ingrédient clé de la vinaigrette Caesar originale (pour apporter la touche d’anchois dans la salade César), ainsi que du cocktail Bloody Mary auquel elle donne du piquant et du relief.
On la retrouve également dans des recettes britanniques classiques comme le « Welsh rarebit » (gratin de cheddar sur toast) et diverses préparations mijotées (ragoûts, chili con carne, haricots cuisinés), voire des œufs mimosa épicés. En règle générale, la Worcestershire s’ajoute en fin de cuisson ou juste avant de servir, car son arôme peut s’évaporer ou se diluer si on la cuit trop longtemps.
La polyvalence de cette sauce s’étend au-delà de la cuisine occidentale : on la retrouve par exemple dans certaines recettes asiatiques modernisées où elle peut remplacer la sauce de poisson pour apporter une note similaire. Toutefois, en raison de son goût très concentré, elle est toujours utilisée parcimonieusement – il suffit de quelques millilitres pour parfumer un plat entier. Son format liquide pratique fait qu’elle peut être dosée goutte à goutte, ce qui facilite l’ajustement de l’assaisonnement selon le goût souhaité.
Diffusion et popularité
Plus de 180 ans après sa création, la sauce Worcestershire demeure un condiment apprécié à l’échelle internationale. Dès la fin du XIXe siècle, elle s’était implantée dans les cuisines d’outre-Atlantique et d’Asie via l’influence britannique, et elle figure aujourd’hui dans les rayons des supermarchés du monde entier. Au Royaume-Uni, elle est considérée comme un produit du terroir, et la bouteille d’origine Lea & Perrins – avec son étiquette orange et son col enveloppé de papier – a conservé son apparence victorienne, tandis qu’aux États-Unis elle fait partie intégrante des condiments classiques aux côtés du ketchup et de la moutarde.
De nombreuses marques produisent leur propre sauce de type Worcestershire, mais l’originale Lea & Perrins reste synonyme de qualité pour beaucoup de consommateurs. La production, aujourd’hui intégrée au groupe Heinz, se poursuit dans la région de Worcester, perpétuant un savoir-faire vieux de près de deux siècles.
Malgré l’émergence de sauces nouvelles et de modes culinaires changeantes, la Worcestershire conserve sa pertinence grâce à son profil aromatique inimitable. Les chefs contemporains l’emploient toujours volontiers pour apporter une couche de goût supplémentaire à leurs créations, et les cuisiniers à domicile la gardent souvent à portée de main pour « sauver » un plat un peu fade.
Aujourd’hui encore, la sauce Worcestershire apparaît dans d’innombrables recettes – qu’il s’agisse de vieux livres de cuisine ou de blogs culinaires contemporains – signe qu’elle a su traverser les époques sans perdre sa pertinence. Après près de deux siècles d’existence, cette sauce anglaise s’affirme désormais comme un classique indémodable de la gastronomie mondiale, témoin du mariage réussi entre des ingrédients de diverses origines pour créer un goût original et pérenne.
Tabasco Spicy Worcestershire Sauce
Produite par la McIlhenny Company (Louisiane, États-Unis), la Tabasco Spicy Worcestershire Sauce vise à offrir une alternative plus corsée à la Worcestershire classique. Elle s’inspire de la recette britannique traditionnelle tout en y ajoutant l’extrait de piment rouge Tabasco, ce qui lui confère une intensité supplémentaire.
Le produit conserve les éléments fondamentaux de la sauce Worcestershire : sauce fermentée à base de vinaigre, mélasse, anchois, mais avec une concentration accrue en éléments épicés.
Caractéristiques gustatives
Cette version se distingue par :
- une acidité marquée, due au vinaigre et au tamarin,
- une note salée profonde apportée par les anchois,
- une chaleur pimentée plus prononcée grâce au Tabasco rouge,
- et une douceur résiduelle venant de la mélasse et du sucre.
Contrairement à la sauce Worcestershire classique, dont le piquant est quasi inexistant, cette version offre une sensation de chaleur plus marquée en bouche, sans pour autant devenir dominante. Elle conserve l’équilibre aromatique du condiment d’origine tout en renforçant l’impact en arrière-goût.
Ingrédients courants
La liste peut légèrement varier selon les lots, mais on retrouve en général :
Ingrédient | Fonction |
---|---|
Vinaigre distillé | Base acide et conservateur naturel |
Extrait de piment Tabasco | Ajoute une chaleur spécifique au produit |
Extrait d’anchois | Apporte umami et salinité |
Mélasse | Adoucit et équilibre l’acidité |
Tamarin | Donne une note fruitée et acidulée |
Épices, ail, oignon | Renforcent les arômes de fond |
Utilisation en cuisine
Elle s’utilise comme la Worcestershire classique, mais s’adresse davantage aux personnes recherchant une dimension épicée supplémentaire. Elle convient particulièrement pour :
- marinades pour viandes rouges,
- cocktails Bloody Mary plus corsés,
- sauces barbecue personnalisées,
- burgers et steaks à relever en fin de cuisson,
- plats mijotés nécessitant plus de caractère.
Elle peut aussi remplacer tout ou partie de la Worcestershire classique dans les recettes, à condition d’ajuster les quantités pour éviter un excès de piquant ou de sel. Le produit n’est pas distribué partout en continu. Il est parfois présent dans les grandes surfaces américaines ou dans les rayons import de certaines épiceries spécialisées. On le trouve également en ligne. Le flacon reprend le format habituel des sauces Tabasco, avec une étiquette spécifique portant la mention Spicy Worcestershire Sauce.